Parier sur les légumes de plein champ Parier sur les légumes de plein champ
Frédéric Coibion, 24 ans, a décidé de faire de la proximité de Paris un atoutpour sa ferme familiale, jusqu’ici orientée vers les céréales.
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À peine rentré de livraison, Frédéric Coibion se préoccupe des betteraves à récolter en ce début d’année. Le temps presse. L’hiver n’est plus une période calme à Faremoutiers, en Seine-et-Marne. « La moisson en deviendrait presque reposante », plaisante le jeune agriculteur de 24 ans. Sur les 150 ha de la ferme où son père est encore actif, Frédéric reprend au fur et à mesure les terres céréalières de limon profond, mais sans irrigation pour y cultiver des légumes.
Des débouchés locaux
« Il faut se diversifier car l’agrandissement est compliqué entre le parc Disneyland d’un côté et de grosses fermes aux capacités financières bien plus importantes que la nôtre de l’autre », juge-t-il. C’est au lycée agricole, à la faveur d’un voyage au Benelux, qu’il découvre la technicité des légumes destinés à l’industrie. Depuis, l’idée lui trotte dans la tête.
À la fin de ses études, en 2015, il veut se laisser « au moins cinq ans pour aller voir ailleurs ». Il travaille pendant deux ans comme chef de cultures dans une exploitation en conversion bio. Les problèmes de santé de son père le poussent à revenir travailler sur la ferme familiale. L’opportunité de reprendre 17,5 ha irrigués via le répertoire départemental à l’installation tombe à pic. Le jeune homme démarre en avril 2017 avec 21 ha sans aide à l’installation, faute de temps pour préparer son dossier. « J’ai vite compris que ma surface était trop petite pour travailler avec les industriels. J’ai donc privilégié les circuits locaux. »
Des légumes d’hiver - céleri, oignons, choux, carottes, courges, poireaux, pommes de terre et betteraves rouges - sont produits en alternance racine-feuille, puis suivis d’une céréale et d’un pois ou d’un escourgeon. « L’idée est de combler les baisses d’activité du système céréalier », remarque Frédéric. Mais en Seine-et-Marne, ses cultures sont peu développées et, côté technique, le nouveau légumier avoue se sentir bien seul. Il a appris « sur le tas », s’est abonné au bulletin de santé du végétal (BSV) du Loiret, et cherche des conseils jusque dans les Hauts-de-France.
Il a aussi trouvé ses débouchés seul, en mettant en avant l’origine locale. Les 6 ha de betteraves rouges sont envoyés après lavage chez Rocal, un cuiseur industriel du Loiret, pour environ 80 € la tonne. « Je ne suis pas à l’aise dans la relation avec le consommateur. Je préfère travailler avec les professionnels », explique-t-il. Pour les pommes de terre, 4 ha partent chez Parmentine. Le reste est écoulé en passant par des circuits locaux de transformation en frites fraîches, chez des restaurateurs ou en grandes surfaces.
Pour ce jeune homme connecté, trouver des débouchés n’est pas un obstacle et les négociations sur les prix se déroulent plutôt bien. « Les rendements ne sont pas au rendez-vous, mais je vends mieux que ce que j’avais prévu. J’essaye de coller aux prix du carreau de Rungis et je mets en avant la livraison et le lavage pour grappiller quelques euros supplémentaires », confie-t-il. Contre toute attente, la grande distribution s’avère « moins raide » que les grossistes, très attachés à l’aspect du produit. « La première année, 70 % de ma production devait partir auprès de ces derniers. Mais j’ai essuyé des revirements au moment de commercialiser sous prétexte d’un manque de qualité. C’était davantage un problème visuel », lâche-t-il, échaudé.
Faibles rendements
Frédéric s’accroche. Il faut honorer les annuités. Pour limiter les embauches et se libérer du temps, il a mécanisé le plus possible. « Je peux paraître suréquipé », pointe-t-il. Ainsi, la chaîne de lavage, flambant neuve, a coûté 100 000 €. « L’investissement était obligatoire. Les industriels ne veulent pas de terre. Les produits se vendent mieux lavés, même s’ils se conservent ensuite moins bien », commente-t-il. Après deux campagnes, Frédéric estime qu’il est difficile de donner un coût de production. D’autant qu’en 2018, les rendements ont été divisés par deux. Un forage est en cours de réflexion pour permettre d’irriguer une partie de la sole de son père.
Audacieux et travailleur acharné, l’exploitant met pour l’instant sa vie personnelle entre parenthèses : « Je me lance. Pour le reste, je verrai plus tard. »
Pauline Bourdois
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